Do you wanna be my lover ?

Erès accrocha son arme à son dos. L'entraînement de Garrec fut rude, comme d'habitude. Mais aujourd'hui était un jour de chance : l'auberge locale était ouverte aux guerriers ; et aux armes. Le gladiateur se dit qu'une petite baston ne lui ferait pas de mal, afin de mettre à l'épreuve ses capacités  aux poings qu'il n'avait que récemment travaillés avec son mentor. Il s'étira, puis se dirigea vers l'auberge.

«Où tu vas ? cria Garrec, assit sur un tronc d'arbre, aiguisant sa longue épée.
- A l'auberge, j'ai besoin de me rafraîchir le gosier.
- Ne provoque pas de bagarre générale, cette fois. J'ai vu le chef du village, j'ai pas envie de briser sa confiance en lui.
- Chef oui chef !»

La refléxion de son mentor fit sourire Erès, derrière son heaume. Le chef du village était un gros sac de muscles, mais il n'arrivait pas à la cheville de Garrec. Et si ça se passait comme la dernière fois, ce chef ne le serait plus pendant très longtemps – il valait mieux passer les détails de la baston générale qu'avait causé Erès la dernière fois.
Le guerrier ouvrit la porte de l'auberge, et se dirigea vers le tavernier. Il demanda une pinte, comme d'habitude. Mais après avoir répété trois fois sa demande, il s'aperçut que le tavernier ne l'écoutait pas. Toute l'auberge était tournée vers une table. Erès ne voyait pas grand chose derrière les montagnes de muscles qui entouraient celle-ci, mais il distingua un gars encore plus baraqué que les autres en face d'une... femme ? Erès s'approcha, et se fraya un chemin entre les armoires à glace.

«Pardon... pardon... hé, Ventus Bellator, tu connais ? Oups, pardon...»

Arrivé au premier rang, Erès resta bouche bée. Un guerrier dont le biceps était aussi gros que la jambe du gladiateur faisait face à une jeune femme. Elle était musclée, mais loin de pouvoir faire face au monstre en face d'elle. Erès croisa les bras et regarda la jeune femme. Brune, aux cheveux tressés, les yeux verts profonds. Elle était vêtue d'un habit de chasseresse, mais sa stature physique laissait deviner de bien plus grandes capacités que la chasse au gibier. Autour de son cou, deux bagues faisaient office de pendentif à un collier d'argent. Et sa cape de fourrure était accrochée grâce à deux crocs de... dragon ?

«Woaw, ne put s'empêcher de lâcher Erès.
- Elle fait de l'effet, hein ? dit un baraqué d'une tête plus grand que le guerrier. Mais elle ne laisse aucun homme s'approcher d'elle, à part pour se battre avec lui.
- Et comment s'appelle-t-elle ?
- Les gens l'appellent Auxilia. L'aurore. Mais personne ne sait son vrai nom, et il paraît qu'elle même l'ignore.
- Auxilia...»

Cette chasseresse faisait vraiment de l'effet à Erès. Mais le plus impressionnant, c'est qu'elle venait d'écraser le bras du guerrier en face sur la table en bois, qui se brisa sous le poids du membre du molosse. Des cris de joie s'élevèrent de la foule en même temps que des insultes, et des pièces de monnaie volèrent. Auxilia se leva, dévoilant toute sa grâce de chasseresse. Elle prit l'argent que lui tendait le tavernier, et sortit de la taverne, sans un mot. Erès la suivit d'un pas pressé. Il devait lui parler, apprendre à la connaître. Cette femme l'intriguait.

«Ex... excusez moi ? Auxilia ?»

La jeune femme se retourna d'un coup sec, tout en continuant sa route.

«Quelle que soit ta question, la réponse est non.
- Vous ne savez même pas ce que je...
- Si je sais. C'est toujours les mêmes. Donc : non.»

Erès usa de sa vitesse de combat pour se glisser devant elle.

«Et si ma question était : est-ce que cela dérangerait une femme d'une grâce comme la vôtre d'accorder un peu de son temps à un humble guerrier ?»

Auxilia s'arrêta net. Sa tête arrivait à l'épaule d'Erès, et elle le dévisagea d'un regard surpris mais dur.

«T'es un rigolo, toi. Mais ne te fais pas de fausses idées, tu risquerais d'être déçu. Oh, et l'adjectif “humble” semble erroné pour toi. Bonne soirée.»

La jeune femme passa derrière le guerrier avec une vitesse extraordinaire. Mais il n'allait pas se laisser abattre.

«Attendez. Vous êtes une chasseresse, n'est ce pas ? (Auxilia roula des yeux). Vous maniez quoi ? Arc ? Épée ? Lance ?
- Arc et hache. Maintenant, trace ton chemin.
- Mais mon chemin coïncide avec le vôtre, gente dame.»

Auxilia s'arrêta d'un coup sec, et profita de l'instant de déséquilibre d'Erès pour lui balayer les jambes et le mettre au sol. Erès contre-attaqua en glissant sous les pieds de la jeune femme, qui se rattrapa avec une roulade. Cependant, le guerrier avait réussi à attraper les bras de la jeune femme, qui usa de sa force pour les arracher des poings d'Erès. Elle semblait cependant destabilisée.

«C'est rare qu'on me rende les coups. Mais ne t'avise plus de m'approcher. Si je ne suis qu'un objet pour flatter ton égo surdimensionné, comme pour les autres, c'est pas la peine de m'adresser la parole.»

Elle s'en alla, laissant Erès au sol, qui la regardait s'en aller à contre-jour du soleil couchant. Cette image l'inspirait énormément. Il était blessé dans son égo, mais il était également persuadé qu'il aurait bien d'autres occasions de la voir. Et pourquoi pas de se battre avec elle, ou lui raconter des poèmes. Ou les deux.

«T'as été ridicule, dit une voix s'élevant derrière Erès. Celui-ci dévisagea son mentor.
- Je le sais. Mais je ne suis pas Ventus Bellator pour rien. L'échec ça fait partie de la réussite.»

Garrec, qui avait enlevé son heaume, sourit. Erès avait finalement appris quelque chose avec lui. Le paladin regarda à son tour la chasseresse au loin.

«Elle te plaît beaucoup, n'est-ce pas ?
- Je pourrais écrire des centaines de recueils pour ne parler que d'elle.
- Tu ne la connais qu'à peine.
- Mais, maître, dit Erès en se relevant, j'ai vu dans ses yeux bien plus que la haine des hommes. J'y ai vu une infinie douleur, et également un être unique qui n'a nul besoin d'être seul.
- Tu prends ton humeur poétique, mon ami. Je voulais te proposer un verre, mais...
- Je vais m'empresser de mettre mes sentiments sur papier, et lui faire parvenir avec l'espoir qu'un jour, en voyant mon cœur ouvert pour elle, qu'elle m'ouvre aussi le sien.
- Tu es bien optimiste, mais va. Et que cela ne te déconcentre pas. Entraînement avec la garde locale au lever du soleil demain.
- Bien sûr.» Erès s'inclina, et courut vers l'hôtel où résidaient les deux hommes pendant plusieurs jours. Ces jours ne seraient que d'occasions pour Erès, et il comptait bien les saisir.